#375 - janvier/février 2025
3 minutes 3 questions à Paola Peebles
#375 - janvier/février 2025
Un combat de plusieurs générations
Avant de raconter l’exil de ma famille en 1975, alors que j’avais 4 ans, il y a mon enfance au Chili : à la fois mon insouciance protégée et, en parallèle, l’engagement de mes parents pour la justice sociale, leur soudaine absence, la vie de mon père en clandestinité puis son arrestation qu’il nous racontera plus tard. Ma conscience politique est née de notre trajectoire et de leur grille d’analyse de notre histoire collective.
En décembre 1970, au début du gouvernement de l’Unité populaire de Salvador Allende et au moment de ma naissance, mes parents ont commencé à vivre dans une communauté d’étudiants, chrétiens et marxistes, dans un quartier pauvre de Concepción. Ils étaient partis habiter à plus de 2.000 km de leur ville natale, pour étudier à l’université. Mon père, Luis Peebles Skarnic, qui avait 23 ans, était étudiant en médecine et militant du MIR, le Movimiento de Izquierda Revolucionaria1. Ma mère, Daborka Vlahovic Tomicic, étudiante infirmière, était la seule athée de la bande des onze amis vivant en communauté.
C’est mon frère Marcos qui lui a posé cette question, en 1987. Pour y répondre, mon père nous a demandé de nous asseoir, dans son bureau, à Neder-Over-Heembeek. Chez nous, le fait que notre père avait été torturé n’était pas un tabou. Nous pensions d’ailleurs savoir cela « depuis toujours ». Néanmoins, nous ne savions pas précisément ce qu’il avait subi.
Pour nous livrer le récit de ces faits, mon père nous a raconté l’histoire de sa vie. Il a commencé par nous décrire ses parents, sa jeunesse, son choix de devenir médecin – «comme le Che» – et ensuite, son engagement politique. Cet engagement, il l’avait d’abord forgé en se rendant compte des injustices dans ce Chili inégalitaire, où la classe ouvrière vivait dans des conditions misérables, où les profits étaient accaparés par un petit nombre de privilégiés2. Il nous expliqua son choix d’entrer dans le parti de gauche révolutionnaire, face aux intérêts bien gardés de la grande bourgeoisie, aux stratagèmes des multinationales, à l’impérialisme. Puis l’université, la vie en communauté, le travail social auprès de personnes alcooliques. Vinrent ensuite le coup d’Etat en 1973, sa décision de participer à la résistance, ses stratégies de survie en clandestinité, sa détention et les tortures qu’on lui a infligées. Il nous a parlé de l’importance de ne pas faire de ce sujet de la torture un tabou, parce que cela pouvait générer d’autres problèmes – ce qui arrivait dans beaucoup de familles de réfugiés, quand en parler était trop douloureux.
Mon père avait passé près d’un an dans la clandestinité pendant la dictature au Chili. Le MIR avait vu venir le coup d’État et, dès le putsch, mon père avait une conscience aigüe qu’il fallait nous protéger. Il avait rapidement décidé d’essayer de participer à renverser la dictature et était resté à Concepción. Ma mère, mon frère et moi, partîmes vivre dans le nord du Chili, à Antofagasta, près de la famille. Nous fîmes le voyage en avion. Un camion avait été trouvé pour transporter nos meubles et toutes nos affaires de Concepción à Antofagasta. Peu avant d’arriver à destination, une collision frontale a fait perdre la vie au chauffeur du camion. L’incendie provoqué par le choc a ensuite réduit le camion et tout son contenu en cendres.
De fin 1973 à mi-1975, mon frère et moi avons vécu chez ma tante et mon oncle, avec notre cousine de notre âge et, ensuite, avec notre cousin, né en novembre 1974, pendant un couvre-feu. J’ai beaucoup de souvenirs dans cette ville où il ne pleut jamais, en plein désert d’Atacama. Notre mère a rapidement trouvé du travail comme infirmière. Quand elle nous raconte notre histoire, elle précise qu’on nous disait que notre papa faisait ses études dans une autre ville.
En décembre 1974, ma mère aussi dut partir pendant six mois. Un jeune oncle, qui n’avait que 17 ans à l’époque, est venu jouer avec nous chaque jour pendant tout ce temps, dès qu’il quittait l’école. Nous ne nous doutions pas un instant qu’entre-temps, notre papa était détenu, porté disparu et torturé, et que notre mère frappait à toutes les portes du pays pour le retrouver. Lorsque rester au Chili était devenu trop dangereux, vu la répression de plus en plus féroce, mes parents ont décidé de quitter le pays le 15 décembre 1974, en nous laissant chez ma tante. On trouverait une solution pour nous, dès qu’ils seraient en lieu sûr. Mes parents prirent un bus à Santiago, vers l’Argentine, de l’autre côté de la cordillère des Andes. A la frontière, la police inspecta le bus et demanda nommément si Luis Peebles Skarnic était présent. Mon père fut arrêté. Ma mère, qui ne fut pas détenue, demanda le nom et le matricule du soldat qui emmenait son mari. Étonnamment, le policier le lui communiqua. Grâce à ce geste, elle put suivre la trace de notre père jusqu’à un certain point. Elle sollicita un ami avocat qui rédigea un Habeas Corpus3, qui ne servit strictement à rien, se rendit dans des commissariats, des prisons, des bases navales, alla voir les comités de solidarité et les ONG de défense des droits humains. Elle chercha mon père pendant six mois.
Rapidement après la détention de mon père, ma mère perdit la trace de mon père pendant deux semaines. Tout en étant prisonnier des services secrets de Concepción, il avait été littéralement kidnappé par les services secrets de Santiago. Il fut alors emmené vers un camp de concentration, une véritable enclave dans l’État chilien, dénommée Colonia Dignidad, à près de 400 km au sud de Santiago.
Ce lieu avait été fondé en 1961 par un nazi, Paul Schäfer. Brancardier dans la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’était mis à prêcher la « bonne parole » et à rassembler des groupes de fidèles autour de lui après la guerre. Poursuivi en Allemagne suite à des plaintes d’abus sexuels sur mineurs, Schäfer voyagea quelque temps en Europe. Lorsqu’il devint clair qu’il ne pourrait pas échapper à la justice allemande, il partit au Chili. C’est alors qu’il fonda la Colonie Dignité en rachetant une ferme isolée sur 3.000 hectares de terrain. Ensuite, il acheta les terres des fermes alentour, n’hésitant pas à user de violence pour chasser les paysans locataires. Recréant une espèce de copie de ce que le IIIe Reich n’avait pas réussi à réaliser, Schäfer fit de sa Colonia Dignidad un domaine agricole florissant. Il y faisait régner une discipline de fer. Les « colons » y parlaient allemand et s’habillaient comme dans la Bavière des années 1930. Les femmes étaient séparées des hommes, les enfants séparés de leurs parents. La vie y était en permanence collective, aucun secret n’était admis et les règles devaient être suivies à la lettre, sous peine de sanctions physiques et d’humiliations publiques. Les livres scolaires dataient d’avant la fondation de la Colonie ; ils censuraient les différences entre les corps des femmes et des hommes et donc les parties génitales. Tout contact avec l’extérieur était interdit. Cette secte était composée d’environ 350 personnes. Elle construit en peu de temps un hôpital, une école, et même un aérodrome… mais aussi des tunnels souterrains, un mur d’enceinte électrifié entourant l’énorme domaine, des tourelles de surveillance, sans oublier les appareillages de surveillance et de télécommunication hautement sophistiqués.
Tout semblait sortir d’un film à la James Bond, avec un méchant qui finissait dans un bunker hyper technologique, mais combiné aux vraies atrocités commises par les nazis. Mon père nous décrivit l’endroit où il avait été torturé en expliquant que c’est par déduction qu’il s’était rendu compte où il avait été emmené. Les « colons », comme on appelait les disciples de Schäfer, ont subi de sévères violations de leurs droits fondamentaux, pendant les décennies d’existence de la Colonia Dignidad sous Schäfer jusqu’en 2005. Ils étaient chimiquement soumis en permanence. Les récalcitrants étaient « traités » par électrochocs. Les enfants y ont été systématiquement abusés sexuellement. Avec le soutien de l’ambassade de la République fédérale d’Allemagne, la colonie prospéra dès les années 1960 en offrant des services aux habitants alentour et au personnel de l’ambassade. En 1973, après le coup d’Etat, la collaboration de la Colonia Dignidad avec la dictature militaire a rapidement démarré. La Colonia Dignidad a ainsi servi de centre de torture clandestin. Aujourd’hui, il est établi qu’au moins 100 prisonniers politiques y ont été assassinés. Beaucoup de personnes, dont on sait par recoupement qu’elles ont été emmenées là, sont toujours portées disparues. C’est dans ce sinistre lieu, base retranchée d’un réseau criminel international, de grands intérêts économiques et de renseignements, que mon père a été torturé par des psychopathes qui prêtaient main-forte aux services secrets de Pinochet.
Mon père nous disait qu’il savait, quand on le torturait, que les tortionnaires voulaient briser des personnes pour briser un projet politique. Il nous a décrit la volonté de déshumanisation dans l’acte de torture. Il a aussi insisté sur le fait qu’il savait que la souffrance qu’il endurait s’inscrivait dans une lutte plus grande, une lutte contre un projet politique de droite qui ne recule devant rien pour casser un projet sociétal de justice sociale. Ce sens qu’il donnait à ce qui était en train de lui arriver lui a permis de ne pas être brisé psychiquement, nous disait-il. Face à ces êtres humains qu’il ne connaissait pas et qui lui faisaient du mal, il pensait qu’il ne devait pas nous oublier ni oublier ses camarades ni les raisons de son engagement. Il nous a raconté les ruses déployées pour faire croire aux tortionnaires qu’il leur livrait des informations sans le faire.
Il nous a aussi expliqué précisément comment il avait été torturé. Il nous parlait de l’impression d’être passé par une école de torture, se souvenant d’accents brésiliens et autres, d’odeurs de produits de nettoyage qu’il identifiait comme étrangers. Il nous a parlé de Paul Schäfer, de l’histoire de cet homme, de son sadisme et de ses instructions données pendant les séances de torture. Après deux semaines de torture, mon père a été sorti de la Colonia Dignidad. On ne sait pas pour quelle raison, il a finalement été ramené à la base navale de Talcahuano. Ma mère eut à nouveau de ses nouvelles, et la Croix-Rouge y rendit également visite à mon père. Il fut aussi un « cas urgent » d’Amnesty International en 1975. Il relate que, quand il a commencé à recevoir des lettres, en provenance notamment de Belgique, ses conditions de détention en prison ont été améliorées.
Pendant que mon père nous racontait tout cela, j’étais médusée. Mon frère, lui, était furieux et l’exprimait du haut de ses 14 ans. Il disait qu’il allait leur casser la figure. Mon père nous répondit avec douceur alors qu’il comprenait, mais qu’on ne devait pas tomber dans la haine. La justice devait faire son travail et il fallait se mobiliser pour que cela se réalise. Il nous raconta aussi l’histoire qui avait mené un tortionnaire à devenir le pire sadique de la dictature, par haine primaire des marxistes. Il insista sur la nécessité de juger les coupables de violations des droits humains. Il nous a raconté qu’il témoignait en justice contre la Colonia Dignidad et tous ses tortionnaires, depuis qu’il était sorti de là, et qu’il le ferait tant que ce serait nécessaire.
Nous lui demandâmes s’il n’avait pas peur. Il nous avait aussi parlé des réseaux d’appui de la Colonia, qui semblaient étendus et puissants. Je pense qu’il a répondu : « Si on a peur, on ne fait plus rien et d’autres personnes continueront de souffrir ». Il nous a aussi assuré que la meilleure manière de gagner contre le projet de ses tortionnaires était de devenir de bonnes personnes, de construire un monde plus juste.
Ma confiance en l’humanité est liée à la résilience de mes parents et à l’accueil de la Belgique. Je vis en Belgique depuis juin 1975. J’ai fait ma vie ici, mon compagnon est belge, ma fille est belge. J’ai étudié les sciences politiques, les droits humains et la pédagogie. J’ai toujours travaillé dans la solidarité et en vue de la réalisation effective des droits fondamentaux. Dans le cadre de ma fonction de conseillère en diversité au Bureau d’étude de la FGTB Bruxelles, je me suis spécialisée en matière de lutte contre le racisme et la discrimination. J’ai récemment été conseillère politique de la secrétaire d’État à l’Égalité des chances au gouvernement de la Région bruxelloise et j’ai pu participer ainsi à l’adoption du Plan régional de lutte contre le racisme. Ce Plan a notamment instauré des Journées officielles de commémoration : le 27 janvier, les victimes de la Shoah, le 21 mars, la Journée internationale de lutte contre le racisme et le 8 avril, Journée internationale des Roms. C’est l’importance à accorder au travail de mémoire, concernant notamment des génocides commis à partir du territoire belge, qui a guidé ces décisions.
L’accueil qui nous a été donné contraste avec la réalité des réfugiés d’aujourd’hui. Sur le tarmac de Zaventem, en 1975, on nous attendait avec des fleurs. Plus d’un million de réfugiés chiliens ont été accueillis, en Belgique et dans de nombreux autres pays, avec une solidarité sans faille et probablement sans pareille. Nous avons été installés dans un appartement prévu pour nous dès le jour de notre arrivée. Nous étions enfin réunis, sains et saufs, à quatre, en famille. Mon père a pu terminer ses études de médecine. Ma mère a rapidement trouvé du travail comme infirmière. Dans le malheur, nous avons eu beaucoup de chance. En réalité, plus que de la chance, nous avons eu beaucoup de solidarité.
En Belgique, mon père a co-fondé l’asbl COLAT, qui aujourd’hui s’appelle EXIL, et qui reste un centre psycho-médico-social de référence pour personnes ayant subi l’exil et la torture. Entre nos 5 et nos 13 ans, nous avons pu participer chaque samedi aux ateliers ainsi qu’aux colonies de vacances du COLAT pendant l’été, avec d’autres enfants de réfugiés latino-américains. Nous avons pu parler l’espagnol avec des amis de notre âge qui avaient vécu des histoires comme la nôtre, tout en devenant belges, dans un environnement émancipateur et bienveillant.
1978, dans notre appartement à Woluwe, quand mon père finissait ses études de médecine tout en essayant de faire libérer ses camarades restés au Chili et en témoignant en justice avec Amnesty contre la Colonia Dignidad.
Mon père est retourné vivre au Chili en 1991. Il y a repassé des examens de médecine pour valider son titre, contraint de se taire lorsque le médecin qui surveillait l’examen – et qu’il connaissait depuis l’enfance – lui lança : « Un bon communiste est un communiste mort ». C’était probablement le même homme qui l’avait dénoncé lorsqu’il essayait de partir vers l’Argentine en 1974. Mon père a travaillé jusqu’à ses 77 ans, en tant que psychiatre dans le service public au Chili. Il y a co-fondé le PRAIS, un programme médico-social pour personnes ayant été emprisonnées ou torturées, ou ayant elles-mêmes torturé d’autres personnes.
A l’heure où j’écris ces lignes, mon papa, qui a toujours eu tant de force, vient de perdre sa dernière bataille, contre le cancer. Il est décédé le 29 janvier 2025, à Santiago. Je suis heureuse d’avoir pu lui faire parvenir la première mouture du présent témoignage. J’écris avec une infinie tristesse mais aussi fière de lui, avec sa bonté et son engagement indéfectible pour les droits humains, son humanisme profond et sa personnalité totalement extraordinaire.
En 2024, j’ai voyagé au Chili, tant que j’ai pu, pour être à ses côtés. Personne ne pourra nous rendre le temps que nous n’aurons pas pu passer ensemble. Ni avec lui, ni avec notre famille et notre histoire. Nous avons été privés des liens profonds avec nos cousins, nos grands-parents, et toute notre grande famille. Mon père n’a pas eu l’autorisation d’aller voir sa mère mourante au Chili ni d’aller se recueillir sur sa tombe avant 1987, près de 10 ans après son décès. En tant qu’enfants d’exilés politiques à l’étranger, nous n’avons pas droit à la moindre indemnisation ni au moindre programme de soutien pour surmonter les traumatismes endurés. Nous sommes pourtant des victimes de cette dictature et nous en subissons toujours les conséquences. Plus de 50 ans après le coup d’État, de nombreuses violations et crimes contre l’humanité restent sans réparation. Des filles et des fils de Chiliens qui ont subi des violations de leurs droits fondamentaux pendant la dictature, au Chili et en exil, réfléchissent à la lutte pour la justice et contre l’impunité. En décembre dernier, j’ai ainsi participé au lancement d’un ouvrage collectif4 sur le sujet, avec mon amie historienne Vanessa Goecke, aussi fille de la communauté d’étudiants de Concepción.
Des séries documentaires, des essais et des films de fiction s’inspirant de la Colonia Dignidad ont vu le jour5. Néanmoins jusqu’à présent, aucune de ces réalisations n’a pu relater toute la réalité. Colonia Dignidad a servi de repère pour nazis en fuite, de lieu de trafic d’armes, de camp de concentration, d’esclavage, de pédocriminalité, de torture et de mort. Plusieurs témoignages concordent aussi sur la fabrication de gaz sarin et d’autres armes chimiques.
En 1991, lorsque la justice chilienne a commencé à s’intéresser à la Colonia Dignidad, l’entreprise a été scindée en plusieurs entités juridiques, mettant notamment en difficulté les poursuites judiciaires quand les habitants de la Colonia ont demandé des indemnisations pour le travail forcé effectué depuis leur enfance. Les ramifications et les moyens dont disposent les dignitaires de la Colonia semblent encore très importants. Renommé Villa Baviera, le domaine est aujourd’hui un lieu touristique, comprenant plusieurs restaurants, un hôtel, une piscine, un petit lac avec des pédalos, une boulangerie, une pâtisserie… et l’hôpital, qui avait servi à attirer des enfants de la région en les soignant gratuitement, a été transformé en poste de garde. L’exploitation de 16.000 hectares génère toujours des bénéfices, notamment pour des personnes ayant travaillé avec Schäfer à l’époque. Le gouvernement de Gabriel Boric a déclaré la Colonia lieu de mémoire en 2023 et a annoncé l’expropriation d’une petite partie du domaine en 2024, ce qui laisse la partie non expropriée aux mains de ceux qui peuvent continuer à transformer le lieu, voire à abimer, consciemment ou non, des preuves.
Un film dont le scénario réunirait tous ces éléments ne semblerait sans doute pas très crédible. Et pourtant, c’est bien de réalité dont il est question. Nombreux ont été les complices à perpétrer toutes ces horreurs. Des personnalités politiques, des entrepreneurs, les gouvernements au Chili et en Allemagne ont une responsabilité écrasante dans ce dossier d’une actualité ahurissante.
En novembre 2024, un bunker datant de l’époque de la dictature a été « découvert » à Colonia Dignidad. Combien de personnes se sont tues pendant toutes ces années ? Le sinistre lieu n’a toujours pas livré tous ses secrets. Une juge d’instruction semble avoir enfin reçu des moyens d’enquêter. Depuis qu’un premier bunker avait été mis au jour en août 2024, la maison de la présidente de l’association Pour la mémoire et les droits humains Colonia Dignidad a été cambriolée à quatre reprises. Étrangement, seuls les ordinateurs ont été volés lors de ces cambriolages répétés, qui ressemblent davantage à des opérations de recherche d’information et d’intimidation.
Les crimes contre l’humanité de la Colonia Dignidad et de la dictature arrêteront-ils un jour de produire leurs effets ? Les familles des disparus pourront-elles commencer leur deuil ? Les familles des victimes sauront-elles un jour la vérité. Les responsables et leurs complices seront-ils un jour traduits en justice ? Ces crimes sont imprescriptibles ; mais nos parents meurent et leurs témoignages sont essentiels. Il est grand temps de faire cesser l’impunité et le négationnisme, pour construire un projet de société sain et solidaire, dans le respect des droits humains.
Août 2024, à l’hôpital Sotero del Rio, devant le service PRAIS où mon père travaillait. A l’arrière-plan, on voit des représentations de militants et militantes, et de proches cherchant des disparus de la dictature. « Donde estan ? », où sont-ils ?
[1] Mouvement de gauche révolutionnaire.
[2] En 1965, 9 % des propriétaires terriens exploitaient 91 % du total des terres cultivables Selon des statistiques officielles de l’époque, reprises dans le diagnostic de la réalité nationale publiée dans le programme de l’Unité Populaire, 50% des enfants de 15 ans étaient en état de dénutrition (Source : « La Unidad Popular y la Revolución en Chile », Mario Garcés, ed. LOM, Santiago de Chile, 2020, p. 32.).
[3] En droit, cette notion renvoie à la liberté de ne pas être emprisonné sans jugement.
[4] Memorias en Altavoz, Adriani Goñi Godoy, Natalia Montealegre Alegría, ed. LOM, Santiago de Chile, 2024.
[5] Des séries documentaires sur Arte (https://www.arte.tv/fr/videos/RC-018565/colonia-dignidad/), sur Netflix ou encore sur Al Jazeera. La fiction Colonia (2015) est un thriller de Florian Gallenberger, avec Emma Watson et Daniel Brühl, racontant l’histoire (romancée) de Lena et Daniel, qui parviennent à s’échapper de la Colonie Dignidad en 1974, et dont les photos qu’ils y ont prises sont à la source d’un scandale international.Ce film a fait avancer l’intérêt que le gouvernement allemand a eu pour la Colonia.
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