De l’appel à projets à l’agrément : analyse d’une transition

Synthèse du rapport annuel CBAI-CRAcs 2024

La réforme décrétale, qui avait été déjà annoncée dans l’accord de gouvernement de la Commission communautaire française pour la législature 2014-2019, visait principalement deux objectifs : l’objectivation de la distribution des moyens financiers et la stabilisation des actions associatives. En d’autres termes, il s’agissait de mettre en place une base légale qui assurerait un subventionnement plus équitable, reposant sur des critères objectifs et transparents. Parallèlement, l’autre ambition était celle de garantir une stabilité du secteur, en s’éloignant du système des appels à projets successifs. Cependant, cette double ambition a rapidement révélé une tension intrinsèque : d’une part, l’objectivation du financement en fonction du volume d’action risquait de déstabiliser certaines associations, tandis que, d’autre part, assurer la stabilité des subventions nécessitait une flexibilité pour répondre aux besoins spécifiques de chaque organisation.

 

Ce rapport interroge la question de la cohérence interne entre les objectifs du décret et les résultats de la mise en œuvre des textes législatifs. En effet, le gouvernement avait annoncé dans son accord de gouvernement ses objectifs politiques autour du dispositif, à savoir l’objectivation et la stabilisation. La réforme parvient-elle à ses fins concernant ces objectifs ? Quels sont les changements majeurs engendrés par la transition d’une politique d’appel à projets quinquennal vers une politique d’agréments ?

 

Il n’est pas encore possible à ce stade de réaliser une analyse en profondeur de la transition, ce sera peut-être l’objet d’un futur rapport. Pour le moment, nous nous attelons à l’analyse de la mise en œuvre du décret dans ses aspects financiers et concernant les procédures d’avis et de décision.

 

Dans un premier temps, nous examinons plusieurs types de « mouvements » ou changements dans le secteur, tels que :

  • Les changements survenus depuis le début le troisième quinquennat, avant l’obtention des agréments (par exemple, des associations qui sont apparues ou ont disparu en cours de quinquennat).
  • La nouvelle répartition des actions associatives et des budgets entre les communes et le volet régional ;
  • Le renforcement ou l’affaiblissement de certains axes prioritaires (en nombre d’actions) lors de la transition.

 

Dans un deuxième temps, nous nous intéressons aux deux objectifs de la réforme décrétale : l’objectivation de la distribution des moyens financiers et la stabilisation des financements pour les associations. Nous avons tenté de répondre à ces deux questions :

  • La reforme a-t-elle produit une distribution plus objective des montants alloués par la politique aux associations de Cohésion Sociale ?
  • La réforme a-t-elle garanti une stabilisation des ressources perçues par les associations ?

 

Une analyse qui se fonde sur les questionnements ci-dessus est celle des Orientations Spécifiques (OS), énoncées à l’article 10 du décret de 2018. Ces dernières permettent aux associations agréées de recevoir un financement supplémentaire sur base d’une spécificité de leur projet associatif. Pour faire face à une éventuelle demande disproportionnée des OS et des crédits budgétaires insuffisants pour y répondre, le Cabinet de la Ministre en charge a annoncé que les OS seraient utilisées comme « mécanisme de lissage », visant à compenser les pertes financières dues à la nouvelle logique de financement par agrément.  Les communes avaient, par ailleurs, la possibilité de définir leurs propres OS dans le cadre des Pactes locaux, ce que l’on appelle des OS communales.

 

Notre analyse porte sur le mécanisme d’attribution des Orientations Spécifiques en 2023, avec trois questions principales :

  • L’attribution des OS a-t-elle suivi une logique de compensation aux associations qui perdaient financièrement dans la transition vers le système d’agréments ? En d’autres mots, les OS ont-elles été utilisées comme un mécanisme de lissage ?
  • Comment les OS ont-elles été distribuées ?
  • Quel a été l’impact des OS dans les budgets associatifs ?

 

Les questions de recherche énoncées ci-dessus sont analysées à l’aide d’une méthodologie quantitative, basée sur les données fournies par les services du Collège de la Cocof. Ces dernières sont issues notamment des dossiers de candidature déposés, ainsi que d’informations concernant leur instruction et le processus de décision pour chaque candidature.

 

Ce rapport inclut également une section qualitative qui examine le processus décisionnel de la mise en œuvre des agréments. Deux chapitres y sont consacrés : le premier analyse les étapes de décision de l’instruction des dossiers de candidature ; le deuxième revient sur le processus de remise d’avis dans les concertations locales. Cette section vise à répondre aux questions suivantes :

  • Les différentes institutions participantes (Coordination locale, Commune, Service de la Cocof et Collège de la Cocof) au processus décisionnel ont-elles émis des avis convergents ou divergents ?
  • Comment s’est déroulé le processus de remise d’avis au sein des concertations ? Peut-on observer des dynamiques similaires au sein des différentes concertations ?
  • Quelle est la perception des associations concernant le processus de remise d’avis lors des concertations ?

 

Pour la partie qualitative, nous avons utilisé les données fournies par la Cocof, mais également nos observations participantes dans les 13 commune éligibles, les procès-verbaux des réunions de concertation et les rapports associatifs 2024 (année d’activité 2023) qui contenaient une question quant au processus d’avis (pour les associations intégrant une concertation locale).

 

En fin de rapport, nous avons intégré un chapitre descriptif portant sur les recours et le nouveau bilan du dispositif.

 

Et, pour terminer, nous partageons nos conclusions et recommandations pour la politique de Cohésion sociale.

 

Cette vidéo recueille le point de vue de trois associations : Rezolution asbl (Céline Renson), la maison de quartier Chambéry (Edwin Van Holebeek) et la maison de quartier Saint-Antoine (Tamimount Essaidi). Elles sont interrogées sur le processus en question ainsi que, plus largement, sur l’importance de la participation associative dans les processus décisionnels de la politique de cohésion sociale.